Chers collègues
Quel gâchis ! C’est ce soir le sentiment d’une immense tristesse qui domine chez moi. Quel gâchis ! Je suis d’autant plus triste que j’ai essayé d’appeler au dialogue au-delà des postures politiques. Alors ce soir, je vais tenter une nouvelle fois de sortir des passions et de faire parler la raison.
Depuis le mois de décembre, les habitants de Lamballe Terre et Mer ont le sentiment d’assister à un spectacle désolant qui, s’il n’avait pas des conséquences aussi graves, serait presque tragi-comique tant les rebondissements dans cette affaire ont été plus improbables les uns que les autres. Je vous ai écrit. J’ai cru à un moment que nous pouvions siffler la fin de la récréation. Ce soir encore, nous pouvons nous remettre au travail, tous ensemble. Nous avons mieux à faire que ces querelles.
Comment a-t-on pu en arriver là ? En arriver à une communauté d’agglomération de 70 000 habitants dont les élus de la majorité de la ville-centre, qui représentent 17 000 habitants, ¼ de la population, disparaîtraient de l’exécutif.
Vous le savez, je vous l’ai écrit, je ne crois pas qu’il y ait un seul responsable dans cette affaire, ou une seule commune responsable. En disant cela, je n’exonère pas la ville-centre des “erreurs politiques” qu’elle a pu faire. Je siège dans l’opposition à Lamballe et je dénonce suffisamment ce que je considère ne pas être une bonne politique pour la commune. On ne peut pas m’accuser de complaisance vis-à-vis de la majorité lamballaise… En revanche, je suis sûr que ce que le Président de Lamballe Terre et Mer s’apprête à faire ce soir est une faute politique et il peut encore l’éviter…
Ou alors, si la logique des démissions en cascades est respectée jusqu’au bout, ne faut-il pas qu’il remette sa légitimité dans les mains des conseillers communautaires et que ni lui, ni le maire de Lamballe ne prenne la suite ? (Rassurez-vous, je ne suis candidat à rien parce que je considère que le Président de Lamballe Terre et Mer doit émerger de la majorité de l’une des communes) Cet échec collectif n’est-il pas également l’échec d’une Gouvernance, l’échec d’une façon de gouverner ? Lorsqu’une équipe explose au milieu du match, le sélectionneur n’a-t-il pas une responsabilité ? Le renouvellement de fond en comble de la Gouvernance n’est-elle pas également une des solutions pour sortir de l’impasse ? Nous pourrions alors entendre de la bouche d’un nouvel exécutif, la façon dont il souhaite faire évoluer sa politique au regard de ce que nous vivons depuis le mois de décembre.
Or, on ne nous propose aucune inflexion politique, mais un simple jeu de chaise musicale visant à exclure la commune centre, sans même intégrer l’ensemble des maires au bureau, ce qui aurait été un pas significatif. Tout cela valide le fait qu’il s’agit d’une simple querelle de personne.
Comment peut-on imaginer que l’on puisse présider notre communauté d’agglomération sans – voire contre – les élus de la majorité de la ville-centre, quels que soient ces élus, quelles que soient leurs convictions politiques, leurs maladresses, leurs erreurs, leurs comportements ou leurs tempéraments ? Faut-il rappeler ce soir que nous sommes tous issus d’un scrutin municipal et non d’un scrutin communautaire ? Faut-il rappeler que l’exécutif communautaire, son président et son bureau, ne tire pas sa légitimité d’un suffrage universel direct, mais de conseillers communautaires élus dans le cadre de scrutins municipaux ?
Rien ne nous oblige à partir en vacances ensemble, mais nous avons le devoir de travailler ensemble pour le bien de nos concitoyens et de notre territoire. Le débat politique a toute sa place dans cette enceinte, et je regrette souvent qu’il n’y en ait pas suffisamment, mais l’aigreur n’est pas bonne conseillère et nous n’avons pas le temps pour les querelles de personnes.
Nous avons un bien commun à défendre, un territoire à développer, des citoyens à servir. Ce bien commun est constitué de l’intérêt de chaque commune, y compris ceux de la ville-centre, et de l’intérêt communautaire. Pensez-vous que l’exclusion d’untel ou d’untel, de telle ou telle commune, soit le bon chemin pour faire émerger l’intérêt communautaire ? Nous parlons sans cesse du “vivre ensemble” et nous nous apprêtons à donner un spectacle contraire.
Pourquoi est-ce une faute politique ?
C’est une faute politique, parce que cette logique de “sanction”, de “punition”, n’a pas de sens. Je la vois comme un signe de faiblesse. Si les citoyens de Lamballe-Armor sont sanctionnés ce soir, après que ceux de Pléneuf ou d’autres communes l’aient été dès le début du mandat, à qui le tour demain ?
C’est une faute politique parce que c’est prendre le risque de voir les habitants de Lamballe-Armor se détacher de Lamballe Terre et Mer et de l’idée même d’une coopération intercommunale. Comment imaginer qu’une institution décide du destin d’un quart de ses habitants sans que les élus de ce territoire n’aient été partie prenante à part entière avant le vote ?
C’est une faute politique parce que nos partenaires ont désormais un sourire moqueur au coin des lèvres lorsqu’ils évoquent Lamballe Terre et Mer. Je l’entends en Bretagne, dans les communautés voisines, au département, à la région… Et moi, cela me fait mal, parce que j’aime notre Penthièvre.
C’est une faute politique, car nous sommes la collectivité qui a en charge le développement économique. Pensez-vous que nous ayons l’air sérieux dans le monde de l’entreprise ? Pensez-vous que nous donnions envie à une entreprise de s’implanter ou de se développer chez nous ? De quoi avons-nous l’air face à un chef d’entreprise qui se bat tous les jours pour obtenir un marché, pour s’adapter, pour garder ses salariés ?
C’est une faute politique car nous laissons les personnels mutualisés de Lamballe Terre et Mer et de Lamballe-Armor dans le désarroi ; les plus mobiles vont partir, sans que nous soyons attractifs pour les remplacer, et les autres ne sauront plus qui est le chef ou quel est le cap. On me reproche ici souvent d’être trop exigeant avec la masse salariale. Je suis peut-être exigeant, mais je suis respectueux de tous les agents. Ce qui va être fait ce soir n’est pas respectueux vis-à-vis des agents.
C’est une faute politique parce que cette nouvelle gouvernance sans la ville-centre, cela ne peut pas marcher, tout simplement.
Plutôt que d’exclure des personnes, vous auriez dû adopter une nouvelle méthode de gouvernance.
Je vous pose donc quelques questions.
- Continuerez-vous, après trois rejets par les communes, à vouloir un PLUI ?
- Les maires seront-ils tous invités aux réunions de bureau communautaire ?
- Allez-vous adapter la mutualisation des services entre LTM et Lamballe-Armor ?
- Continuerez-vous à refuser de vrais débats en conseil communautaire et à privilégier les réunions bilatérales dans un bureau, loin des autres élus, de la presse et des citoyens ? Pour faire fonctionner la communauté, il faut que tout le monde puisse entendre la même chose au même moment et d’en débattre.
Je crains malheureusement que vous ne continuiez comme avant. Vous connaissez cette réplique d’Alain Delon dans “Le Guépard” : “Il faut que tout change pour que rien ne change”.
Alors je vais me risquer à une projection dans l’avenir. Depuis 2020, rien de particulier n’a été lancé, pire, de nombreux projets ont été abandonnés.
- La piscine de Pléneuf
- La ferme du Botrai
- Les espaces numériques
- La politique de lecture publique
- …
Tout cela était pourtant dans le contrat de Lamballe Terre et Mer à sa création.
Depuis 2020, le paquebot “Lamballe Terre et Mer” n’avance que grâce à la force d’inertie du mandat précédent. Mais il ralentit progressivement. Avec ce que nous nous apprêtons à faire ce soir, il va s’arrêter car la force collective ne sera plus là, plus de carburant, plus de mouvement… Jusqu’en 2026… voire au-delà.
Et le monde ne nous attendra pas. Il est encore temps de réagir. Nous n’en sommes pas à une péripétie près et nous pouvons encore surseoir à cette élection et trouver les moyens de travailler ensemble. Nous le devons à nos concitoyens.
Si malgré tout, le Président décide de poursuivre l’ordre du jour tel que prévu, nous allons élire chaque vice-président un par un. Pour ma part, je voterai blanc. Je respecte chaque candidat un par un, dans sa personne, dans son engagement et dans son expérience. Ils ont tous des qualités individuelles, mais je m’oppose à cette gouvernance sans les représentants des citoyens de Lamballe qui est la pire faute politique que je n’ai jamais vu dans cette enceinte.
En votant blanc, je dis mon opposition au processus qui nous a mené ici. En votant blanc, je sais que chaque vice-président sera tout de même élu à l’unanimité, mais en votant blanc, et si nous sommes quelqu’uns, j’espère encore que l’éxécutif aura conscience qu’il doit sortir urgemment de cette situation qui, si elle durait, serait dangereuse et néfaste pour la communauté, pour chacune de nos communes, de nos entreprises et de nos familles.