L’opposition met l’installation des médecins généralistes à l’ordre du jour de la Région

C’est le Groupe « Droite, centre et régionaliste » qui, jeudi soir, a mis la question de l’installation des médecins généralistes sur certains territoires bretons à l’ordre du jour de la session budgétaire du Conseil régional de Bretagne. Stéphane de Sallier Dupin présente un amendement budgétaire pour que la Région expérimente une prime d’installation destinée aux médecins dans les territoires en déprise médicale. Il égrène les chiffres : « Lamballe, 50% de médecins en moins d’ici 18 mois, 10 000 patients sans médecin traitant d’ici 2017. Le Pays du Centre-Bretagne, plus de 30 % de médecins et 10 000 médecins sans médecin traitant dans les mêmes délais. »
« Cet amendement est d’abord un signal d’alerte. Nous allons vers une situation critique très vite. » déclare le Conseiller régional Lamballais.
A l’issue de cette intervention et avant que n’intervienne le vote, Jean-Yves Le Drian, exceptionnellement, prend la parole et, reconnaissant la réalité des faits, propose la création d’un groupe de travail qui réunira des représentants de tous les groupes politiques sur ce sujet. Ce groupe de travail devra faire des propositions concrètes et chiffrées à la prochaine session régionale en juin prochain afin de faciliter l’installation de nouveaux médecins dans les territoires concernés.
« Au regard de cette proposition » déclare alors Stéphane de Sallier Dupin, « je saisi votre offre et retire mon amendement. Je prends note du délai que vous fixez, juin prochain. La situation critique ne souffrira malheureusement pas de délais supplémentaires. »
INTERVENTION DE STEPHANE DE SALLIER DUPIN
 
 » Monsieur le Président,
 
Avant de vous présenter l’amendement que j’ai déposé, je souhaite vous faire partager deux événements vécus ces derniers jours.
 
Lundi soir, nous étions en Conseil communautaire de Lamballe communauté pour voter un programme d’urgence afin de trouver des médecins. Depuis le 31 décembre dernier et d’ici 18 mois, le secteur de Lamballe risque de perdre 6 médecins généralistes sur 12.
 
50% des effectifs. Sans remplacement. Sans installation. Sans alternative.
 
Les élus de Lamballe, toute tendance confondue, ont décidé de rémunérer un cabinet de chasseurs de tête, pour 3 médecins, 15 000 € par médecins.
 
Qui, il y a quelques années, auraient dit qu’une ville de près de 15 000 habitants, à 12 kilomètres de la mer, bénéficiant d’une gare où s’arrête le TGV allait être dans cette situation ?
 
Hier soir, j’étais à Loudéac à l’invitation du Pays du Centre-Bretagne dans le cadre de son Contrat Local de Santé. L’ARS et la CPAM étaient présentes avec les élus, les médecins, les professionnels de santé.
 
Un constat : 9 médecins sur le départ d’ici fin 2017 soit plus de 30 % de baisse de la démographique médicale. 
 
Un sentiment d’impuissance.
 
Alors que faisons-nous pour ces territoires en déprise médicale ? Certes, la Région a une politique de santé, pour la formation des professionnels sanitaires et sociaux, pour faire de la prévention et pour accompagner les territoires bretons par le biais des animateurs de santé dans les pays, par le biais du financement des maisons de santé.
 
Et pourtant, malgré cela, malgré les maisons de santé, les projets de santé, certains territoires décrochent d’un point de vue sanitaire.
 
Oui, globalement, la Bretagne gagne des médecins comme elle gagne de la population.
 
Mais des territoires entiers décrochent. Nos concitoyens sans médecins, au moins 8 000 personnes à Lamballe d’ici 18 mois, plus de 10 000 personnes dans le pays du Centre-Bretagne d’ici fin 2017, se tournent très naturellement vers leurs élus locaux qu’ils trouvent démunis et abandonnés par l’Etat qui leur parle de « médecine libérale coordonnées » alors qu’ils n’ont plus de médecins.
 
Devons-nous laissez ces territoires ainsi démunis ? Faut-il rappeler que ces territoires ne sont pas des déserts mais des secteurs qui gagnent de la population, dont les villes centre comptent 10 000 habitants ou plus. Ces villes sont dotées de structures hospitalières avec des lits de médecine.
 
Cet amendement est d’abord un signal d’alerte. Nous allons vers une situation critique très vite.
 
Alors, que peut-on faire ?
 
Au niveau du Gouvernement : 
  • augmenter le numérus clausus – ce n’est pas le cas en Bretagne. J’apprends hier soir de la bouche de l’ARS que, en Bretagne, 25% des docteurs sortant ne s’inscrivent pas à l’ordre et donc n’exerce pas à la sortie de la faculté de médecine.
  • encadrer la liberté d’installation des médecins comme c’est le cas des pharmaciens. Mme Touraine n’a pas retenu cette solution. 
 
Malheureusement rien ne bougera dans les prochains mois.
 
Alors que pouvons nous faire chez nous ?
 
Les élus locaux sont déjà à la manœuvre et découvrent le nouveau métier de gestionnaire, recruteur, animateur, développeur de santé dans un contexte de concurrence sauvage.
 
La Région, qui a pour compétence l’aménagement du territoire breton, doit intervenir pour garantir l’équilibre sanitaire entre les territoires bretons en déprise sanitaire et les autres. Ce n’est pas opposer les territoires mais aller au secours des territoires les plus fragiles.
 
Comment le faire ? En donnant un avantage comparatif aux territoires en déprise. C’est l’objet de cet amendement.
 
Il s’agit de proposer une prime à l’installation des médecins généralistes dans les territoires en déprise, dans ces territoires bretons qui vont perdre 30 à 50 % de la population médicale dans les deux ans à venir. Il est urgent d’agir car, si nous laissons faire cette déprise, ce sont les médecins restant qui partiront sous le poids du travail.
 
Vous me direz, la question n’est pas financière, les médecins ne veulent pas d’argent pour s’installer. Je sais que ce type de mesure ne doit pas être isolée. Elle doit être accompagnée de la mise en place de pratiques collectives, de délégations de compétences entre professionnels de santé, de locaux adaptés… Mais je sais qu’une mesure financière est également de nature à donner un avantage aux territoires en déprise.
 
Je sais qu’une installation a un cout et que faciliter cette installation est de nature à faciliter la décision.
 
Je vous propose d’expérimenter cette mesure pour une trentaine d’aides et donc une trentaine d’installations.
 
Si il n’y a pas de demandes, nous n’aurons pas perdu d’argent et nous explorerons d’autres pistes. Si il y a des demandes, nous aurons gagné du temps et fait du bon travail au service des Bretons. « 

Une réflexion sur “L’opposition met l’installation des médecins généralistes à l’ordre du jour de la Région

  1. Je pense que comme tout le monde vous ne savez pas connaître et agir en complexité comme le définit Edgar Morin. Le problème du manque de médecins était prévisible depuis Giscard d’Estaing qui a engagé la baisse du numérus clausus afin de lutter contre les dépenses de santé (moins de médecins=moins d’ordonnances=moins de frais de santé). Mitterand à pris conscience du problème pour l’augmenter de nouveau mais pas assez au regard de l’augmentation de la population du pays et de sa dérive vers une société de bien-être et une explosion de la bobologie. Aujourd’hui, 25% des docteurs en médecine diplômés chaque année en France choisissent de ne pas s’inscrire au Conseil de l’Ordre (condition sine qua non) pour exercer mais préfèrent travailler dans le journalisme médical, les laboratoires pharmaceutiques, partent à l’étranger… ou comme j’en connais n’exerce jamais. Sur les 75% qui restent, un certain nombre préfèrent le salariat avec tous ses avantages (35H, RTT, congés payés, arrêt maladie…) notamment dans la médecine du travail ou auprès d’employeurs publics (La Poste, SNCF, EDF…) ou collectivités locales sans oublier ceux qui travaillent pour des compagnies d’assurances privées. Au final, tous ces médecins n’ont aucune activité libérale auprès du public et il est probable que l’on ne soit pas très loin du chiffre de seulement 50% de diplômés qui « posent leur plaque ». Pour la moitié restante, les conditions de travail se dégradent au fil des années par la pression administrative, fiscale, l’agressivité des patients qui subissent cette dégradation de l’accès aux soins, la demande de bien-être toujours plus croissante (bobologie, voir plus haut), vie de famille sacrifiée… et j’en oublie. Votre intervention est centrée sur le généraliste mais vous oubliez les spécialistes (même si avec la dernière réforme de la médecine le généraliste est devenu un spécialiste). Il y a 15 ans, 2 gynécologues à Lamballe ; aujourd’hui aucun. Les délais d’attente pour l’ophtalmologue ne sont plus très loin d’une année civile. Nous ne sommes pas mieux lotis chez les cardiologues, ils n’acceptent plus les nouveaux patients. Un cabinet a déjà fermé depuis début janvier 2016 la moitié du temps pour exercer en salariat, l’autre cabinet verra partir un cardiologue à la retraite d’ici 2020. Je vous confirme que d’ici quelques mois 2 généralistes à Lamballe, 2 à Landéhen, 1 à jugon-les-Lacs et 1 à Plédéliac devraient augmenter le nombre de départ (l’un de ces départs serait en passe d’être remplacé par un médecin étranger). La médecine intéresse toujours les étudiants mais ce sont les conditions d’exercice qui les font réfléchir et ce n’est pas seulement avec la construction de pôles de santé pluridisciplinaire subventionnés que l’on inversera la tendance actuelle car pour remplacer un médecin libéral il faut 2 médecins salarié aux 35H. Moralité il va donc falloir former 2 fois plus de médecins (en espérant que ceux-ci acceptent ce nouveau type d’exercice mais qui ne seront disponibles que dans une dizaine d’années) ou rendre immédiatement à la profession de médecin toutes ses lettres de noblesse sans en faire un nanti qui vivrait grâce à la maladie des autres. Mais les Français et par conséquent les Lamballais n’acceptent pas la réussite des « riches ». Ils veulent les 35H pour eux mais pas pour le médecin qui doit les recevoir à toute heure du jour ou de la nuit, pas pour le policier qui doit les secourir à tout moment, pas pour le pilote d’avion qui doit les emmener un Dimanche faire la crêpe sur une plage… Aujourd’hui ces professionnels veulent aussi profiter des avantages du bas peuple et ne plus être pris pour des pigeons au prétexte qu’ils gagnent de l’argent et que l’Etat se fait un devoir de leur reprendre au nom de la redistribution. C’est donc la mentalité du pays dans son ensemble qu’il faut modifier mais cela commence dès la naissance et cela prendra plusieurs générations sous réserve que le peuple y soit réceptif. Complexité quand tu nous tiens !

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